La montagne est à l’origine de la pratique artistique de Julien Che. Des cimes imposantes aux vallées paisibles qui les séparent, sa fascination pour cet environnement s’est forgée dans les Alpes françaises et à leurs frontières, inspirant le corpus de photos présenté dans ce livre.
Photographiés sur une durée de 4 ans, ces clichés nous emmènent dans un voyage qui n’est pas seulement l’ascension et la descente de ces sommets majestueux, mais les intenses cycles de transformations qu’ils traversent.

Intitulée Loin des hommes, la série témoigne d’un milieu libéré de toute présence humaine.
En regardant les montagnes non pas à travers le prisme des prouesses des hommes — des sommets à conquérir ou comme un terrain de jeu pour réaliser des exploits — mais en les reconnaissant comme le véritable sujet de l’image. Les grandes structures servent de scène aux métamorphoses qui mettent en lumière les mouvements graduels mais inévitables de la nature ; un lieu où l’homme n’est pas tout-puissant, où la terre elle-même maîtrise le récit.

En suivant le photographe dans son cheminement de l’hiver au printemps, de l’été à l’automne, nous passons d’un paysage vide de toute couleur vers un autre, peint avec des teintes qui évoluent au fil des saisons. À travers ses photos, nous devenons également témoins d’un spectacle qui change à chaque heure de la journée. De l’aube au crépuscule, le soleil apporte cette lumière unique sur les reliefs en traçant sa route dans le ciel, se levant, pesant, et projetant ses longues ombres avant de s’éclipser derrière les crêtes, modifiant inlassablement les visages de ces monuments millénaires.

Au cœur de l’approche photographique de Julien Che se trouve le désir d’un autre rapport au temps. À contre-courant du monde moderne de la gratification instantanée et de la rapidité technologique, sa pratique est ancrée dans un processus plus lent et plus réfléchi. Travaillant en argentique moyen format, il adopte une méthode qui exige de la patience, ce qui lui permet de cultiver une relation plus profonde et plus sensible avec son environnement. Cette intimité avec le paysage amène ses photos au-delà de la documentation traditionnelle, offrant une interprétation artistique du monde qu’il capture. Ces images mettent en valeur la beauté picturale des reliefs, qui évoquent souvent la texture délicate d’un dessin au crayon ou les doux lavis d’une aquarelle. À travers son objectif, les montagnes deviennent une toile où le monde naturel peint son propre portrait.

 

Questions à Julien Che : Peut-on lire des traces votre passage à l’École dans cet ouvrage ?

Les photos ont été prises avec un Bonica 6×7 que j’ai pu acquérir lorsque d’un stage chez Diamantino, en première année de Louis-Lumière. Quand je repense à mon parcours de photographe, je me rends compte que ce sont tous ces petits détails, ces rencontres, qui n’ont pas l’air de grand chose au début mais qui, à la fin, se révèlent des éléments majeurs et décisifs de ma pratique.
La photo argentique est aujourd’hui au cœur de ma pratique personnelle. C’est quelque chose que je pratiquais dès que j’ai commencé la photo, et que j’ai pu développer et approfondir énormément lors de mes années à l’école. L’accès libre au labo, les conseils de toutes les personnes compétentes (étudiants comme enseignants) avec qui on pouvait échanger, m’a permis d’acquérir une confiance dans ce médium et d’explorer ma pratique photo à travers la lente temporalité de l’argentique.