La perception du son spatialisé : Un son propre pour un sens figuré


N° 15 ( septembre 2022 ) : La perception du son spatialisé : Un son propre pour un sens figuré

Sous la direction scientifique de Corsin Vogel et Sylvain Lambinet


Dans ce numéro 15 consacré à la perception du son spatialisé, il s’agit notamment de questionner cette promesse récurrente de révolutionner l’expérience des auditeurs en leur donnant à entendre un panorama sonore immersif jusqu’alors jamais atteint.

Les chercheurs, artistes, ingénieurs rivalisent depuis plusieurs années d’ingéniosité et d’audace pour s’emparer de ce champ des possibles. Du principe de la stéréophonie étendue dans les dispositifs surrounds, à la synthèse de front d’onde se déployant sur un grand nombre de haut-parleurs alignés, de l’ambisonie répartie sur une sphère de haut-parleurs au binaural qui se limite frugalement à un casque audio, il est notable que chaque solution articule une proposition de spatialisation avec des moyens et un lieu de diffusion spécifique. Quelles sont les conditions nécessaires et suffisantes pour atteindre ce but ? Tout tient-il à la qualité et à la finesse du dispositif technique ? Salle de concert, cinéma, écoute solitaire au casque, déambulation binaurale, système de réalité virtuelle, salle d’exposition : la diversité des lieux de diffusion nous laisse anticiper qu’il n’y aura pas de réponse technique univoque. Ces questions, au cœur de la foisonnante histoire du son spatialisé, en amènent nécessairement une autre : restituer l’œuvre dans sa spatialité, soit, mais laquelle ?

Ce numéro a dû ouvrir ces questions et de nombreuses autres, en y invitant les ressources à la fois d’une psychosociologie plus large, nous renseignant sur la multimodalité de la perception, et celles de la psychologie cognitive et de la sémantique, pour dessiner les contours d’un rapport plus fin entre ce qui est perçu, ce qui est entendu, et ce qui est pensé. Exprimer les significations de cette multiplicité de représentations des espaces sonores, expliciter notre immersion perceptive dans des environnements plurisensoriels, convoquer les diverses approches conceptuelles et méthodologiques dans un contexte pluridisciplinaire pour les confronter aux questions technologiques liées à l’immersion sonore, tels sont quelques-uns des objectifs de ce numéro.

Les premières contributions s’inscrivent dans un courant intellectuel écologique et de cognition située, où le concept d’ambiance, perçue et subie par l’humain, est remplacé par celui d’Umwelt, traduit de l’allemand par le terme milieu, dans lequel l’humain se situe et interagit. Ces approches se basent également sur les cartographies sonores, les soundscapes, les archives sonores et les nouvelles approches de réalité virtuelle et de réalité augmentée. Elles trouvent ainsi un écho dans le travail d’historien du son de Benoît Turquety sur l’art des espaces résonants (chapitre 1), mais également dans les descriptions multiples des réalités associées à la notion d’immersion sonore : réalités physique, virtuelles, artéfactuelles et culturelles, présentées par Corsin Vogel et Danièle Dubois (chapitre 2). L’aspect plus spécifique de la réalité virtuelle, et notamment dans le contexte de la réalité augmentée comme outil d’aide à la personne, est abordé par Valentin Bauer (chapitre 3).

Le musicologue François-Xavier Féron complète cette partie par un regard historique sur les démarches compositionnelles de l’espace physique, sonore et musical (chapitre 4). Jean-Pascal Jullien présente les grands principes de la diffusion en multicanal et les véritables enjeux d’une acoustique architecturale virtuelle (chapitre 5). Forts de ces connaissances liées à la restitution du son immersif, nous abordons avec Jean-Christophe Messonnier, Jean-Marc Lyzwa et Alexis Ling la pratique de la prise de son et du mixage multicanal orienté objet, appliquée à la captation de la musique de concert (chapitre 6). Nous interrogeons enfin d’autres formes de spatialisation du son par l’expertise de certains acteurs professionnels de l’immersion sonore, en technique binaurale avec Léa Chevrier dans un entretien mené par Alan Blum (chapitre 7), et en Dolby Atmos et mixage orienté objet au cinéma avec Cyril Holtz dans un entretien mené par Sylvain Lambinet (chapitre 8).

Ce numéro 15 des Cahiers Louis-Lumière renoue avec les varia par l’intermédiaire d’un article de Laurent Millot sur l’analyse-resynthèse des signaux audio temporels, et présente dans ses rubriques « notes de recherche » et « notes de lecture » quelques travaux récents menés par les étudiants de l’ENS Louis-Lumière (Hugo Corbel, Camille Aubriot, Clémence Lavigne) et une actualité de publications autour de la perception du son.